"Le terme de paranoïaque qualifie à la fois un trouble de la personnalité et une pathologie délirante. Il convient donc de toujours en préciser l'attribution en terme de délire ou de trouble de la personnalité.
Les délires paranoïaques sont des états délirants chroniques, de mécanisme interprétatif et systématisé. La systématisation du délire lui confère un caractère extrêmement cohérent qui, associé à la conviction absolue et inébranlable du patient, peut entraîner l'adhésion de tiers.
Ils se développent plus volontiers chez des patients présentant un trouble de personnalité prémorbide de type paranoïaque dont les principaux traits sont représentés par l'hypertrophie du moi, la fausseté du jugement, la méfiance, la psychorigidité et l'orgueil.
Il est habituel d'identifier au sein des délires paranoïaques les délires passionnels, les délires d'interprétation et les délires de relation des sensitifs de Kretschmer.
1.3. Le délire de relation des sensitifs de Kretschmer
Ce délire, décrit par Kretschmer en 1919, se développe chez des sujets présentant une personnalité prémorbide de type sensitive. On ne retrouve pas dans les personnalités qualifiées de sensitives ou sensibles l’hyperestime de soi ou la quérulence qui caractérisent les autres types de personnalités paranoïaques. Elles présentent par contre orgueil, sens des valeurs et de la morale, vulnérabilité et tendance à intérioriser douloureusement les échecs relationnels et affectifs qu’elles rencontrent.
Sur ce type de personnalité, le délire émerge en général progressivement dans les suites de déceptions. Il se construit sur des interprétations délirantes et les thématiques les plus fréquemment rencontrées sont celles de persécution, de préjudice, de mépris ou d’atteinte des valeurs morales. Ce délire se systématise peu et s’étend rarement au-delà du cercle relationnel proche du sujet (collègues, famille, voisins). Il peut se compliquer d’évolution dépressive."
PSYCHOSES ET DÉLIRES CHRONIQUES
2. Les délires chroniques non schizophréniques
Rédaction : G. Fouldrin, R. Gourevitch, F. Baylé, F. Thibaut
2. Les délires chroniques non schizophréniques
Rédaction : G. Fouldrin, R. Gourevitch, F. Baylé, F. Thibaut
article wikipedia sur le délire de relation des sensitifs de Kretschmer.
Jean Jacques Rousseau par Maurice Quentin de la Tour vers 1750. |
Avant d'exposer les caractères du délire d'interprétation, il convient de définir l'interprétation délirante. C'est un raisonnement faux ayant pour point de départ une sensation réelle, un fait exact, lequel, en vertu d'associations d'idées liées aux tendances, à l'affectivité, prend, à l'aide d'inductions ou de déductions erronées, une signification personnelle pour le malade, invinciblement poussé à tout rapporter à lui.
(...)
Transformation du monde extérieur. - Entrainés durant des années à cette gymnastique spéciale de l'esprit, les malades font des progrès surprenants dans l'art d'interpréter : leur perspicacité s'aiguise et acquiert une pénétration singulière. Enfin, par la déformation systématique des faits, ils arrivent à une conception délirante du monde extérieur. L'interprétateur ne voit plus rien sous l'angle habituel; tout lui paraît étrange, il vit dans un milieu factice d'où les explications naturelles sont bannies. "C'est le monde renversé" dit-il, "c'est un labyrinthe de sous entendus; quelle vaste comédie, comme chacun joue bien son rôle; il faut avoir la tête solide pour ne pas devenir fou !" Tout ce qui se fait autour de lui est apprêté, artificiel, illusoire;
(...)
(Citation de J.J. Rousseau)
(...)
(...)La connaissance des symptômes, des formules, des variétés, de l'évolution et des causes du délire d'interprétation permet d'aborder le diagnostic. Quand un délire plus ou moins systématisé s'organise sans participation nobles des centres sensoriels, à l'aide de raisonnements affectifs dont le point de départ -exact- détermine des conclusions paradoxales ou chimériques; quand cette psychose, préparée par une longue incubation, progresse par l'accumulation d'interprétations multiples; quand, au cours de son évolution, elle ne montre de tendances ni vers la guérison, ni vers l'affaiblissement intellectuel, il est légitime d'admettre qu'il s'agit d'un délire d'interprétation. Ce diagnostic positif sera établi si l'on constate l'absence de certains signes : en dehors de complications transitoires, on ne doit trouver ni hallucinations actives, ni excitation, ni dépression, ni confusion, ni amnésie, ni perte des sentiments affectifs, pas de négativisme, pas de maniérisme; abstraction faite de son roman délirant, de ses paralogismes, l'individu ne manifeste aucun trouble morbide.
Les Folies raisonnantes, le délire d'interprétation
P. Sérieux et J. Capgras, F. Alcan éditeur, 1909
ici.
P. Sérieux et J. Capgras, F. Alcan éditeur, 1909
ici.