Arman - ici. |
« […] Je suis au Nord un pavillon de bois dans la selva rouge, un mât-totem indien devant lequel on se rassemble pour célébrer le culte d’Osiris, près d’un mur de rocailles où les serpents fluctuent, fibres et coulis, replis d’os, mues de champs, je suis à l’Est une gare routière où des autobus entrent & sortent de mon corps comme des humeurs, comme le fleuve boueux qui charrie les troncs à Kajaani et sur tous les lacs de ce pays, fleuve fou des fulgurations, je suis à l’Ouest un océan où naviguent des vaisseaux qui cherchent la nacre et le corail, dont les équipages relèvent les filets, qui sillonnent la mer Rouge, je suis cet océan, cette étendue captive et capiteuse, cette lumière & cette poussière d’îles, je suis ce bouillon de culture, cette pêche, ces casiers d’huîtres, ces filins de mousse recouverts, je suis au Sud un hôpital, la chambre de Rimbaud, le pavillon des contagieux, le billard & la chaise électrique, les voiliers dans la baie d’Auckland, la brûlure, la plaie, la gangrène, le poison, la septicémie, le virus, le cancer, le capricorne, je suis Us-Yri, les îles éparses d’un archipel, le sperme brûlant qui gicle & le sang qui jaillit en bouillons rouges, la trame, le tissu, le pain, la chair & le tendon, la feuille & le pistil, l’utérus rétractile & le vagin ouvert, je suis la démence, la végétation, les climats & les saisons, la pluie…. »
Frédéric-Yves Jeannet, Charité,
Flammarion, 2000, p. 79 et 80.