Alors une histoire sinistre, dissolvante, mystérieuse, alla de tribu en tribu, murmurée à l’oreille, le soir, aux larges nuits astrales de la Mésopotamie. L’homme allait périr. L’autre, toujours élargi, dans les forêts, sur les plaines, indestructible, jour par jour dévorerait la race déchue. Et la confidence, craintive et noire, hantait les pauvres cerveaux, à tous durement ôtait la force de lutte, le superbe optimisme des jeunes races. L’homme errant, rêvant à cela, n’osait plus aimer les somptueux pâturages natals, cherchait en haut, de sa prunelle accablée, l’arrêt des constellations. Ce fut l’an mil des peuples enfants, le glas de la fin du monde, ou, peut-être, la résignation de l’homme rouge des savanes indiennes.Et dans cette angoisse, les primitifs méditateurs venaient à un culte amer, un culte de mort que prêchaient de pâles prophètes, le culte des Ténèbres plus puissantes que les Astres, des Ténèbres qui devaient engloutir, dévorer la sainte Lumière, le feu resplendissant. Partout, aux abords des solitudes, on rencontrait immobiles, amaigries, des silhouettes d’inspirés, des hommes de silence, qui, par périodes, se répandant parmi les tribus, contaient leurs épouvantables rêves, le Crépuscule de la grande Nuit approchante, du Soleil agonisant.
J.-H. Rosny, Les Xipéhuz édition A. Savine, 1888 (pp. 21-23).
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