Ted Pushinsky - ici - |
Ses gestes, il les fait souvent pour voir, pour évaluer, pour enquêter. Il tourne en rond et recommence. Il se débat dans la matière du monde.Il ne veut rien, il ne désire rien. On s’occupe de désirer pour lui, à sa place, c’est reposant. Voir tellement de gens désirer pour lui, le décharger de cela. Parfois il fait semblant de se reconnaître dans leurs désirs, il souffle les bougies et passe à autre chose. Un souffle. Le souffle. Souffler. Ce n’est pas le paradis toutefois. Tout sauf le paradis, qui est peut-être plus loin (mais il n’y croit pas trop, encore une invention). C’est beaucoup de lourdeur, beaucoup de solitude, beaucoup d’ennui. Ne pas savoir quoi en faire, de toutes ces choses, de tous ces êtres. Où aller avec cela. Comment continuer sans aide. Seul, c’est pour toujours ? Il se demande : l’ignorance, est-ce mal ? Partout il entend que celui qui ne sait pas est maudit. Que c’est cela la vie : fuir l’ignorance, mal terrible. Alors il cherche lui aussi, mais avec le soupçon lancinant que les voies proposées autour de lui pour en sortir sont mauvaises et illusoires.
Laurent Margantin, L'enfant neutre, ici.