dimanche 27 janvier 2013

Rien ne meurt jamais :


Stanley Kubrick - Chicago - 1949                                                                            : + :


- Oh oui ! Oh oui, oui, oui ! Un beau jour, tu seras en train de marcher sur la route, et tu entendras ou tu verras quelque chose. Tellement net. Et tu penseras que c'est toi qui l'imagines. Une image-pensée. Mais non. C'est que tu te seras cognée contre un souvenir qui appartient à quelqu'un d'autre. Là où j'étais avant de venir ici, c'est un endroit réel. Il ne disparaîtra jamais. Même si la ferme toute entière -chaque arbre, le moindre brin d'herbe- meurt. L'image n'en sera pas moins là, et en plus, si tu vas là-bas et que tu te mets à l'endroit où c'était, çà existera de nouveau ; çà sera là pour toi, à t'attendre. Alors Denver, il ne faudra jamais que tu ailles là-bas. Jamais. Parce que même si tout est fini -fini pour toujours- çà sera toujours là à t'attendre. C'est la raison pour laquelle j'ai dû faire sortir tous mes enfants de là. Envers et contre tout.
Denver se curait les ongles.
- Si c'est toujours là à attendre, çà doit vouloir dire que rien ne meurt jamais, dit-elle.
Sethe regarda Denver droit en face.
- Mais rien ne meurt jamais, dit-elle.

Toni Morrison, Beloved, 1987, traduit de l’américain par Hortense Chabrier et sylviane Rué