lundi 31 décembre 2012

Vers des lieux de vision illimités :


Peter Beard - The end of the game                                                                                              : + :


Tous les systèmes doivent prendre leur assurance contre l’erreur et quel que soit leur contenu de vérité, ils ont tous tort dans l’absolu. Ils ont raison dans le relatif en fonction de leur vérité historique et transitoire et cela implique, pour tout système idéologique, le respect d’une marge qui doit être un lieu d’asile où l’homme pourrait se réfugier à l’abri des joutes sanglantes de la vérité et de l’erreur.
(...)
Je ne propose pas d’absolu. Je propose un « à peu près ». Il est exact que dans cette « religion » du couple, du féminin, du charnel, il y a aux yeux de la plupart des idéologues, une attitude qui paraît une dérobade à deux… Je propose simplement de chercher la civilisation du côté de l’affectivité, plutôt que des grandes destructions au nom des grandes constructions de l’homme toujours futur. L’avenir ne caresse personne. Une civilisation se juge à la place de cet espace blanc où chacun prend son bien selon son cœur.

Romain Gary, L'Affaire Homme,




Ce qui compte, ce n’est pas la part du vrai ou du faux mais la part du moindre malheur. Un jour, lorsque les archéologues extra-terrestres se pencheront sur nos vestiges, ils décideront que nos vrais « grands hommes » ont été ceux qui ont causé le moins de malheurs… J’avais envie de lui crier : laisse-les à leurs « bonds en avant », laisse-les bondir dans cette magnifique certitude : c’est ainsi qu’il sauteront tout droit dans le doute. Les certitudes ont toujours été les plus sûres façons de se tromper. Laisse-les s’épanouir dans leurs certitudes et le doute leur viendra comme un suprême couronnement. Laisse-les s’enivrer de dureté, de force, d’acier : c’est le goût de la fragilité qui les attend au bout.
Romain Gary, Les Clowns lyriques, 1979



Il voulait dire tout cela à Haas, mais ses années de Sahara l'avaient rendu peu loquace, et il avait remarqué également que certaines choses qu'il sentait pourtant profondément changeaient de sens au contact des mots au point que non seulement il n’arrivait pas à les communiquer, mais qu’il ne les reconnaissait plus lui-même en les prononçant. Si bien qu’il se demandait souvent si les pensées suffisaient, si elles n’étaient pas un simple tâtonnement, si la vraie vue n’était pas ailleurs, et s’il n’y avait pas dans le cerveau des hommes des nerfs encore inutilisés qui iraient porter ces mêmes pensées un jour vers des lieux de vision illimités.
Romain Gary, les racines du ciel, 1956

Fictions et humanisme dans l'œuvre de Romain Gary, Troisième partie : Marge humaine et « à peu près » : pour un nouvel humanisme, Nicolas Gelas,
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Peter Beard, Maureen and a Night Feeder at Hog Ranch. Est.- 1987

dimanche 30 décembre 2012

Nous fuyons ensemble :


Eugene Von Bruenchenhein (1910–1983) - Creation in a Vast Expanse (détail) - 1957 : + :


La partie est finie

Mon cher frère, quand construirons un radeau
et descendrons-nous le ciel ?
Mon cher frère, bientôt notre charge sera si grande
que nous chavirerons.

Mon cher frère, nous dessinons sur le papier
de nombreux pays et des rails.
Méfie toi des lignes noires,
tu sauteras sur les mines.

Mon cher frère, c'est au poteau que je veux
être attacher et crier.
Mais déjà tu t'échappes de la vallée de la mort
et nous fuyons ensemble.

Alerte dans le camp tzigane, alerte dans la tente du désert
Le sable nous coule des cheveux,
Ton âge, le mien et l'âge du monde
Ne se mesurent pas en années.

Ni par les corbeaux plein d'astuce, ni par la patte collante de l'araignée,
Ni par la plume de la brousse ne te laisse abuser,
ne bois ni ne mange en pays de Cocagne,
une écume brille dans les moules et les cruches.

Seul celui qui sur le pont d'or
se souvient du mot pour la fée Escarboucle a gagné.
Je dois te le dire, çà a fondu dans le jardin
avec la dernière neige.

Beaucoup, beaucoup de pierres ont meurtries nos pieds,
L'un guérit. Avec lequel nous voulons sauter,
jusqu'à ce que l'enfant roi, avec la clef de son royaume dans sa bouche,
nous arrive, et nous chanterons :

Qu'il est beau le temps, où germe le noyau des dattes !
Qui tombe, a des ailes.
Rouge le dé à coudre du linceul des pauvres,
La feuille de ton cœur choit sur mon sceau.

Il faut aller dormir, très cher, la partie est finie.
Sur la pointe des pieds. Les chemises blanches gonflées.
Père et mère disent la maison hantée,
lorsque nous échangeons nos souffles.

Ingeborg Bachmann, L'appel de la Grande Ourse, 1956, traduit de l'allemand par Julien Belon.
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Creation in a Vast Expanse - 1957



Das Spiel ist aus

Mein lieber Bruder, wann bauen wir uns ein Floß
und fahren den Himmel hinunter?
Mein lieber Bruder, bald ist die Fracht zu groß
und wir gehen unter.

Mein lieber Bruder, wir zeichnen aufs Papier
viele Länder und Schienen.
Gib acht, vor den schwarzen Linien hier
fliegst du hoch mit den Minen.

Mein lieber Bruder, dann will ich an den Pfahl
gebunden sein und schreien.
Doch du reitest schon aus dem Totental
und wir fliehen zu zweien.

Wach im Zigeunerlager und wach im Wüstenzelt,
es rinnt uns der Sand aus den Haaren,
dein und mein Alter und das Alter der Welt
mißt man nicht mit den Jahren.

Laß dich von listigen Raben, von klebriger Spinnenhand
und der Feder im Strauch nicht betrügen,
iß und trink auch nicht im Schlaraffenland,
es schäumt Schein in den Pfannen und Krügen.

Nur wer an der goldenen Brücke für die Karfunkelfee
das Wort noch weiß, hat gewonnen.
Ich muß dir sagen, es ist mit dem letzten Schnee
im Garten zerronnen.

Von vielen, vielen Steinen sind unsre Füße so wund.
Einer heilt. Mit dem wollen wir springen,
bis der Kinderkönig, mit dem Schlüssel zu seinem Reich im Mund
uns holt, und wir werden singen:

Es ist eine schöne Zeit, wenn der Dattelkern keimt!
Jeder, der fällt, hat Flügel.
Roter Fingerhut ist’s, der den Armen das Leichentuch säumt,
und dein Herzblatt sinkt auf mein Siegel.

Wir müssen schlafen gehn, Liebster, das Spiel ist aus.
Auf Zehenspitzen. Die weißen Hemden bauschen.
Vater und Mutter sagen, es geistert im Haus,
wenn wir den Atem tauschen.

Ingeborg Bachmann, Anrufung des Großen Bären, 1956.



Sans titre - 1957



vendredi 28 décembre 2012

La liquidation de l'importance :



Panavisio 128²                                               -    2/8


La technique de reproduction - ainsi la désigne-t-on généralement - détache l'objet reproduit du cadre de la tradition. En multipliant les reproductions, elle remplace l'autorité de sa présence unique par une existence en masse. Et en autorisant la reproduction future à entrer en contact avec le récepteur à l'endroit où il se trouve, elle actualise l'objet reproduit. Ces deux processus conduisent à un bouleversement violent de ce qui est transmis, à un ébranlement de la tradition, revers de la crise et du renouvellement de l'humanité qui se joue en ce moment. Ils vont de paire avec les mouvements de masse de notre époque. Leur agent le plus puissant est le cinéma. Sa portée sociale même dans sa forme la plus positive, voire précisément dans celle-ci, est impensable sans prendre en compte sa dimension destructrice et cathartique : la liquidation de l'importance de la tradition dans l'héritage culturel.
 (...)
Sur de longues périodes historiques, le mode de la perception sensible des collectivités humaines change en même temps que leur condition d'existence. La manière dont s'organise la perception sensible - le médium par lequel elle se produit - n'est pas seulement conditionnée par la nature, mais également par l'histoire.
 Walter Benjamin, L’œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique, 1936, traduit de l'allemand par Lionel Duvoy

jeudi 27 décembre 2012

Quand ferons-nous quelque chose ?


Lucas Foglia - A Natural Order - Andrew and Taurin Drinking Raw Goat's Milk, Tennessee  : + : 

Chant après les fêtes. Agneaux sur le plafond de la chambre. Bruits des navires… Mon père me disant que je devais devenir un grand clerc. Pleurs : la discipline nocturne des missionnaires. Compassion pour tous ceux qui, je le voyais bien, n’obtiendraient pas la gloire. Pleurs, douleurs d’être un homme. Considéré et présenté par ma mère comme fou… Désir de voyager conçu en étudiant la géographie. Rêves amoureux, puissance singulière de mes rêves tendres. Amour pour ma nourrice, pour la Millesi, pour Hercule… Première lecture d’Homère et premier sonnet. Amour, amour chanté par les enfants… Commencement du monde… imaginé en écoutant le chant d’un maçon pendant que je composais, etc… Janvier 1817, lecture d’Alamanni, lecture de Monti en attendant la mort et me promenant par un splendide temps de printemps. A la fin d’une de ces promenades, cris des filles du cocher contre leur mère tandis que je passe à table… Dans le potager ou le jardin au clair de lune, face au monastère désert, méditations douloureuses sur la chute de Napoléon. Attente de la mort assis sur un tas de cailloux à cause des ouvriers qui, etc. Désir de tuer le tyran… Réveillé par la voix qui m’appelait à dîner, notre vie, le temps, les noms illustres, l’histoire tout entière, ne m’ont paru que néant… Dit plusieurs fois à Carlo : quand ferons-nous quelque chose de grand?
Leopardi (1798 - 1837) , Souvenirs d’enfance et d’adolescence.


Patrick and Anakeesta, Tennessee

Les œuvres de génie ont le pouvoir de représenter crûment le néant des choses, de montrer clairement et de faire ressentir l’inévitable malheur de la vie, d’exprimer les plus terribles désespoirs, et d’être néanmoins une consolation pour une âme supérieure accablée, privée d’illusions, en proie au néant, à l’ennui et au découragement ou exposée aux peines les plus amères et les plus mortifères. En effet, les œuvres de génie consolent toujours, raniment l’enthousiasme et, en évoquant et représentant la mort, elles rendent momentanément à l’âme cette vie qu’elle avait perdue : ce que l’âme contemple dans la réalité l’afflige et la tue, ce qu’elle contemple dans les œuvres de génie qui imitent ou évoquent d’une autre manière la réalité des choses, la réjouit et lui redonne vie.
Giacomo Leopardi, 1837, Zibaldone : + : + :


Victoria Bringing in the Goats, Tennessee

mercredi 26 décembre 2012

Des façons moins extrêmes :


Franz Xaver Messerschmidt (1736-1783)  : + :

Si nous pouvions scanner la matrice synaptique d’un cerveau humain et la simuler sur un ordinateur il serait donc possible pour nous de migrer de notre enveloppe biologique vers un monde totalement digital (ceci donnerait une certaine preuve philosophique quant a la nature de la conscience et de l’identité personnelle.) En s’assurant que nous ayons toujours des copies de remplacement, nous pourrions effectivement jouir d’une durée de vie illimitée. En contrôlant le flot du courant dans une simulation de réseaux neuraux, nous pourrions créer de nouveaux types d'expérience. Le téléchargement dans ce sens nécessitera probablement une nanotechnologie a sa pleine maturité. Cependant il y a des façons moins extrêmes de fusionner conscience et ordinateur. Un travail de développement d’une interface neurale avec un processeur a déjà été entrepris. Cette technologie en est encore a ses tout débuts mais elle nous permettra un jour de construire des neuroprothèses qui nous permettront de nous brancher littéralement au cyberespace.
Richard Gauthier, Qu’est ce que le transhumanisme?   : + :
Nick Bostrom : + :



ALCOR, Alcor Life Extension Foundation,  : + :  
 

ARE YOU LIVING IN A COMPUTER SIMULATION ?   : + :


 


mardi 25 décembre 2012

lundi 24 décembre 2012

Fondamentale par elle-même :



Emma Kunz (1892-1963) - champs énergétiques -  : + :




L'important, en effet, semble de bien distinguer la communication et l'information elle-même, ce qui relève d'un flux continu analogique (Wiener) et ce qui relève de l'information discontinue numérique (Shannon). Les deux notions ne sont pas sans rapports, bien évidemment, et partagent notamment les problèmes de l'entropie et du bruit. On peut déjà remarquer cependant que du côté des processus continus on a affaire à une perte, une diminution du signal, son brouillage, alors que du côté de la transmission numérique ce qu'il faut traiter c'est l'erreur, avec beaucoup moins d'entropie grâce aux corrections d'erreur par redondances cycliques (CRC). La véritable révolution est numérique, comme chacun le sait aujourd'hui. Le caractère discontinu de l'information est ce qui lui donne son caractère signifiant, décisionnel, par sa capacité à déclencher une réaction conditionnelle, mais aussi sa capacité à se reproduire à l'identique. Pour transmettre une information numérique on a besoin pourtant d'une porteuse continue (ou quasi-continue) sur laquelle se découpent les éléments significatifs selon un codage de l'information en unités discrètes (phonèmes ou bits). Il y a donc bien une théorie de la transmission du signal qui est l'application de l'entropie à la communication. Cette théorie du signal est fondamentale par elle-même puisqu'elle concerne aussi la portée des forces physiques qui ne sont pas infinies et ne se propagent pas dans le vide mais traversent un univers bruyant, agité et perturbant, le rapport signal/bruit diminuant toujours avec la distance (on peut même interpréter la matière comme défaut de transmission de l'énergie, défaut de communication des forces de symétrie, brisure de symétrie qui semble se répéter fractalement à tous les niveaux de stabilité. Le bruit serait ainsi la cause de la matière, de l'improbabilité et de la forme). Un bruit de fond peut aussi par sa permanence structurer des phénomènes dynamiques instables.

Jean Zin, Groupe de Recherche Inter et Transdisciplinaire, Théorie de l'information, physique et biologie, 17/11/02, : + :  dans  : + :





samedi 22 décembre 2012

Je ne sais pas :


36 vues du mont Fuji - Hokusai Katsushika - 1831/1833                  : + :

L'excursion en montagne
Je ne sais pas, m’écriai-je d’une voix sans timbre, je ne sais vraiment pas. Si personne ne vient, eh bien, il ne vient personne. Je n’ai fait de mal à personne, personne ne m’a fait de mal, pourtant personne ne veut m’aider. Absolument personne. Non ce n’est pas comme ça. Seulement personne ne m’aide – sinon ce serait ravissant, absolument personne. J’aimerais bien – et pourquoi pas ? – faire une excursion avec un groupe d’absolument personne. Bien sûr en montagne, où d’autre sinon ? Toutes ces personnes se pressent les unes contre les autres, tous ces bras écartés et accrochés, ces nombreux pieds séparés par de minuscules pas ! Il va de soi que tous portent le frac. Nous allons notre bonhomme de chemin, le vent passe à travers les espaces que nous laissons entre nos membres et nous. En montagne les gorges se délient. C’est un miracle que nous ne chantions pas.
Franz Kafka, 1912/1913




jeudi 20 décembre 2012

Une fonction libératrice :


Images et sons : Julien Belon, 2012 : + :
Ouverture, information, communication
On peut dès lors se demander si l'art contemporain en nous habituant à une continuelle rupture des modèles et des schémas, en prenant pour modèle et pour schème le caractère périssable de tout modèle et de tout schème, et la nécessité de leur alternance non seulement d'une oeuvre à l'autre, mais à l'intérieur de chaque œuvre même - ne remplirait pas une fonction pédagogique précise, s'il n'aurait pas une fonction libératrice. S'il en était ainsi, l'art contemporain viserait au-delà du goût et des structures esthétiques, et s'insérerait dans un discours plus vaste : il représenterait pour l'homme moderne une possibilité de salut, la voie vers une reconquête de l'autonomie, au double niveau de la perception et de l'intelligence.
Umberto Ecco, L'oeuvre ouverte, 1962

mardi 18 décembre 2012

Il suffit de retourner :


La science du XXe siècle a progressé en combinant l'un à l'autre le déterminisme et l'indétermination, le hasard et la nécessité, l'algorithmique et la stochastique, la théorie des machines et la théorie des jeux.
Edgar Morin






Deux horlogers montait des montres d'environ mille pièces. L'un les assemblait une à une ; l'autre construisait des sous-ensemble de dix pièces. Dix sous-ensembles sont réunis en sous-systèmes de niveau supérieur, et dix d'entre eux constituent la montre. La construction est hierarchique.
En cas de dérangement, le premier horloger devait reprendre tout le montage ; le second devait, au plus, refaire neuf opérations et au mieux aucune. Pour une montre de mille pièces et une interruption possible toutes les cent opérations, il faut mathématiquement quatre mille fois plus de temps au premier horloger qu'au second pour la réaliser, onze ans au lieu d'un jour. Outre le temps de montage, un autre avantage de la construction hiérarchique est que le produit fini est plus résistant, plus facile à entretenir et à réparer par sous-système.
H.J Simon conclut : "Des systèmes évolueront beaucoup plus rapidement à partir de systèmes simples s'il y a des formes intermédiaires stables. Les formes complexes qui en résulteront seront alors hiérachiques". Il suffit de retourner ce raisonnement pour expliquer la prédominance des hiérarchies dans les systèmes vivants.
Les sciences de la complexité et le vivant, Eugène Angelier, 2008

dimanche 16 décembre 2012

Vouloir maintenir :

Buvards de LSD

Vouloir maintenir un interdit symbolique en se prévalant de la conviction qu’il est préférable de vivre sans drogue est respectable, mais il est irresponsable d’y voir une réponse juridique opératoire aux défis de santé et de sécurité publique que posent de manière aiguë la consommation et le trafic de stupéfiants.
L’interdit légal n’acquiert sa dimension structurante que s’il fait l’objet d’un consensus social clair allant de pair avec une application rigoureuse de la loi. L’un et l’autre font aujourd’hui défaut. La normalité sociale de l’usage de stupéfiants est attestée par une consommation massive et par le traitement complaisant que lui réservent les médias de masse. Quant à la dimension industrielle prise par la production et les trafics de drogues malgré des décennies de lutte policière et judiciaire, elle suffit à ruiner l’espoir d’une riposte pénale significative.
Cette impasse explique les évolutions convergentes vers un assouplissement de la prohibition qui se dessinent aux quatre coins du globe. Les référendums ouvrant la voie à la légalisation de l’usage récréatif de cannabis dans les États du Colorado et de Washington en sont une nouvelle illustration. Il faut espérer que ces changements contribueront à persuader la classe politique française d’ouvrir un débat qu’elle renâcle à engager depuis trop longtemps.
Renaud Colson, http://www.laviedesidees.fr, Légaliser les drogues ? 2012
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Film de propagande Anti-Cannabis: "Avertissez vos Enfants" AKA "Reefer Madness" 1936.



samedi 15 décembre 2012

La félicité serait sans borne :



Marc Chagall -Guerre - 1966






Certains s’étaient écartés du droit chemin, d’autres avaient sombré dans la mélancolie. Mais telle est la loi du monde, avec le temps, tout redevient comme avant. Les boutiques longtemps fermées derrière leurs volets rouillés rouvrirent l’une après l’autre. Les ossements furent emportés au cimetière abandonné où on les enterra dans une fosse commune. On releva, timidement d’abord, le vantail des échoppes du marché. De jeunes apprentis réparèrent les toits endommagés, ainsi que les cheminées et repeignirent les murs éclaboussés de sang et de cervelle. Avec de longues perches, des garçons ramassèrent des restes humains dans le lit des rivières désormais à sec. Peu à peu, des marchands reprirent leur parcours de village en village pour acheter du blé, du sarrasin, des légumes et du lin. Les paysans des environs avaient longtemps eu trop peur de remettre les pieds à Goray, à cause des démons qui en avaient fait leur domaine. Et voilà qu’ils y revenaient pour se procurer du sel et des chandelles, du tissu pour les robes et les blouses des femmes, de la toile pour les cafetans des hommes, des pots en terre, et toutes sortes de colliers et de babioles. Goray avait toujours été à l’écart du reste du monde. Tout autour, des collines recouvertes de bois épais s’étendaient à des kilomètres à la ronde. En hiver, des ours, des loups et des sangliers rôdaient sur les routes. Depuis le grand massacre, le nombre des bêtes sauvages s’était multiplié. 
 (...)
Reb Itche Mates, comme recroquevillé sur lui même, parlait presque en chuchotant, divulguant mystère après mystère. Seules quelques étincelles sacrées brûlaient encore à l'intérieur des enveloppes charnelles des vivants. Les puissances des ténèbres s'y attachaient, sachant que leur existence en dépendait. Sabbataï Zevi, l'allié de Dieu, bataillait contre elles. C'est lui qui ramenait les étincelles sacrés à leur source première. Le royaume divin serait révélé quand l'ultime étincelle serait retournée là d'où elle était venue. Alors les cérémonies rituelles n'auraient plus cours. Les corps deviendraient purs esprits. Du monde de l’Émanation et de sous le Trône de la Gloire de nouvelles âmes descendraient. On ne mangerait plus, on ne boirait plus. Au lieu d'être féconds et de se multiplier, les êtres s'uniraient d'après les combinaisons des lettres sacrées. On n'étudierait plus le Talmud. De la Bible il ne resterait que la secrète essence. Chaque journée durerait un an. Et le rayonnement de l'esprit sain emplirait l'espace entier. Les chérubins et les ofanims chanteraient les louanges du Tout-Puissant qui instruirait lui-même les Justes, dont la félicité serait sans borne.
 Isaac Bashevis Singer, Satan à Goray, 1955, traduit de l'américain par Marie-Pierre Bay, 
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vendredi 14 décembre 2012

Retour à la littérature :

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Pourquoi vous ai-je invité à entrer ici, d'ailleurs ? Pourquoi vous ai-je laissé fourré le nez dans mes bouquins et mes photos et ma vaisselle sale et ma baignoire souillée ? Ce doit être que mon sens de l'identité est en train de m'échapper. L'isolement m'étouffe. Les fenêtres sont closes, mais au moins j'ai entrouvert la porte. J'ai besoin que vous consolidiez mon emprise sur la réalité en contemplant ma vie, en en incorporant des parties à votre propre expérience, en vous apercevant que je suis réel, que j'existe, que je souffre, que j'ai un passé, sinon un avenir. Afin que vous puissiez vous en aller d'ici en disant : Oui, je connais David Selig, je le connais même très bien.
(...)

 




Là, ce sont ses livres, accumulés depuis l'âge de dix ans, qu'il trimbale avec amour d'un déménagement à l'autre. Les strates archéologiques de ses lectures sont faciles à isoler et à examiner. Jules Verne, H. G. Wells, Mark Twain, Daschiell Hammett au fond. Sabatini. Kipling. Sir Walter Scott. Van Loon, L'histoire de l'humanité, Verrill, Les Grands Conquérents de L'Amérique Centrale et de l'Amérique du Sud. Lectures du petit garçon sage, sérieux, réservé. Soudain, avec l'adolescence, un saut quantique : Orwell, Fitzgerald, Hemingway, Hardy, le Faulkner le plus accessible. Voyez ses paperbacks introuvables des années 40 et 50 dans des formats de toutes sortes, avec des couvertures de plastique laminé ! Voyez ce que vous pouviez acheter alors avec 25 cents ! Voyez les couvertures lascives, les caractères agressifs ! Ces livres de science-fiction datent de la même époque. Je les gobais tout crus, espérant trouver quelques indices sur la nature de mon pauvre moi disloqué dans les univers fantastiques de Bradbury, Heinlein, Asimov, Sturgeon, Clarke, Tenez, voici Odd John, de Stapledon, et Hampdenshire Wonder de beresford ; et là, un livre qui s'appelle Outsiders : Childrens of Wonder, rempli d'histoires de supermouflets aux pouvoirs délirants. J'ai souligné des tas de passages dans ce dernier bouquin, en général à des endroits où je n'étais pas d'accord avec l'auteur. Outsiders ? Ces écrivains avaient beau être doués, c'étaient eux les outsiders, à vouloir imaginer des pouvoirs qu'ils n'avaient jamais eus. Et moi, qui voyais les choses d'en dedans, moi le juvénile détrousseur d'âmes (le livre est daté de 1954), j'aurais eu un mot ou deux à leur dire. Ils mettaient toute l'emphase sur l'angoisse d'être supranormal, et oubliaient l'extase. Bien que, si je me penche aujourd'hui sur le problème extase / angoisse, je sois bien obligé d'admettre qu'ils n'avaient pas tellement tort.
Remarquez comme les lectures de Selig deviennent plus aériennes à mesure que nous approchons des années d'université. Joyce. Proust. Mann. Eliot. Pound, la vieille hiérarchie d'avant-garde. Et la période française : Zola, Balzac, Montaigne, Céline, Rimbaud, Beaudelaire, Le gros pavé de Dostoïevski occupe la moitié d'un rayon. Lawrence, Woolf. la période mystique : saint Augustin, saint Thomas d'Aquin, le Tao-tö-king, les Upanishad, le Bhagavad-Gita. La période psychologique Freud, Jung, Adler, Reich, Reik. La période philosophique. La période marxiste. Tous ces Koestler. Retour à la littérature : Conrad, Forster, Beckett. On approche de la fracture des années 60 : Bellow, Pynchon, Malamud, Mailer, Burroughs, Barth. Catch-22 et The Politics of experience. Eh oui, mesdames et messieurs, vous êtes en présence d'un fin lettré !
Robert Silverberg, l'oreille interne, 1972, traduit de l'américain par Guy Abadia,
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mardi 11 décembre 2012

Il perça la croûte :


Larves de guêpe - Olgierd Pstrykotwórca : + :


Fraçois Bayle, Jeîta ou murmure des eaux, : +



Au commencement, tout reposait dans les ténèbres éternelles. La nuit pesait sur terre comme un fourré impénétrable. L'ancêtre - son nom était Karora - dormait dans une nuit perpétuelle au fin fond de la marre d'Ilbalintja. Mais il n'y avait pas encore d'eau dedans, tout n'était que terre aride. Au-dessus de lui, le sol était rouge de fleurs et recouvert de plantes nombreuses, et un grand pieu se balançait en l'air au-dessus de lui. Ce pieu avait jailli au milieu du parterre de fleurs pourpres qui poussaient dans la mare d'Ilbalintja. A sa racine reposait la tête de Karora lui-même. De là le pieu s'élevait vers le ciel, comme pour aller en heurter la voûte. C'était une créature vivante, recouverte d'une peau lisse, comme la peau d'un homme.
La tête de Karora se trouvait à la racine du pieu : elle était placée ainsi depuis le commencement.
Karora pensait, et souhaits et désirs lui traversaient la tête. Alors, des sarigues lui sortirent soudain du nombril et de sous les aisselles. Elles percèrent la croûte qui le recouvrait et sautèrent dans la vie.
Et le jour se mit alors à poindre. De tous cotés, les gens voyaient paraître une lumière nouvelle : le soleil lui-même commença à monter, inondant tout de sa lumière. Puis l'ancêtre eut l'idée de se lever, maintenant que le soleil montait plus haut. Il perça la croûte qui l'avait recouvert, et le trou béant qu'il laissa derrière lui devint la marre d'Ilbalintja et se remplit du jus sombre et sucré des bourgeons de chèvrefeuille. L'ancêtre se leva et sentit la faim, son corps ayant émané des flots de forces magiques.
Il se sent encore engourdit ; lentement, ses paupières se mettent à frémir, puis il les entrouvre. Il erre à tâtons dans son état d'engourdissement. Partout autour de lui, il sent une masse de sarigues qui remuent. Le voici maintenant plus ferme sur ses pieds. Il pense, il a des désirs. Dans sa grande faim, il se saisit de deux jeunes sarigues. Il les fait cuire à quelque distance, près de l'endroit ou se tient le soleil, dans la terre brûlante que le soleil a chauffée à blanc. Les doigts du soleil suffisent à le fournir de feu et de cendre chaude.
Dès que sa faim est apaisée, ses pensées se tournent vers un compagnon qui pourrait l'aider. Mais le soir maintenant s'approche ; le soleil se cache le visage sous un voile de cheveux en cordons, se couvre le corps de tissus en cordons de cheveux et disparaît aux yeux des hommes. Karora sombre dans le sommeil, les bras en croix.

Elias Canetti, Masse et puissance, 1960, traduit de l'allemand par Robert Rovini





L'oiseau chanteur, Lignes et points, L'archipel, Espaces inhabitables : + :
Erosphère : + :
Voyage au centre de la tête (Son Vitesse-Lumière) : + :

vendredi 7 décembre 2012

Une autre sorte de port :

Hugo Pratt - Corto Maltese - Mu

Corto Maltese - Suite caraibéenne




Reconnaître la vérité comme vérité, et en même temps comme erreur ; vivre les contraires, sans les accepter ; tout sentir de toutes les manières, et n’être à la fin rien d’autre que l’intelligence de tout - quand l’homme s’élève à un tel sommet, il est libre comme sur tous les sommets, seul comme sur tous les sommets, uni au ciel, auquel il n’est jamais uni, comme sur tous les sommets.
Fernando Pessoa,  Le chemin du serpent,






Toutes les mers, tous les détroits, toutes les baies, tous les golfes
je voudrais les serrer sur ma poitrine, bien les sentir, et mourir!
Et vous, choses navales, vieux jouets de mes rêves!
Recomposez hors de moi ma vie intérieure!
Quilles, voiles et mâts, roues de gouvernail, cordages,
Cheminées des steamers, hélices, hunes, flammes claquant aux vents
Drosses, écoutilles, chaudières, collecteurs, soupapes,
Dégringolez en moi en vrac, en tas,
En désordre, comme un tiroir renversé sur le sol !




(...)
Ah, tout quai est une saudade en pierre !
Et quand le navire se détache du quai
Et que l’on remarque d’un coup que s’est ouvert un espace
Entre le quai et le navire,
Il me vient, je ne sais pourquoi, une angoisse toute neuve,
Une brume de sentiments de tristesse
Qui brille au soleil de mes angoisses couvertes de gazon
Comme la première fenêtre où l’aurore vient battre,
Et qui m’entoure comme un souvenir d’une autre personne
Qui serait mystérieusement à moi.
Ah, qui sait, qui sait,
Si je ne suis pas déjà parti jadis, bien avant moi,
D’un quai ; si je n’ai pas déjà quitté, navire sous le soleil
Oblique de l’aurore,
Une autre sorte de port ?
Alvaro de Campos, Fernando Pessoa, Ode maritime



jeudi 6 décembre 2012

Elle est primordiale et implacable :



PSR B0833-45, The Vela Pulsar
PSR B0329+54

The Sounds of Pulsars : + :

Quand les pulsars se veulent première étoile  : + :

Lorsqu’en 1985, je rencontrai à Berkeley l’astronome et cosmologiste Jo Silk, il me fit découvrir le son des pulsars. Je fus séduit par ceux du pulsar de Véla et immédiatement, je me demandai à la manière de Picasso ramassant une vieille selle de bicyclette : “que pourrais-je bien en faire ?”. La réponse vint lentement : les intégrer dans une oeuvre musicale sans les manipuler, les laisser exister simplement comme des points de repère au sein d’une musique qui en serait en quelque sorte l’écrin ou la scène, enfin utiliser leurs fréquences comme tempi et développer les idées de rotation, de périodicité, de ralentissement et d’accélération… que l’étude des pulsars suggère aux astronomes. La percussion s’imposait parce que comme les pulsars, elle est primordiale et implacable, et comme eux, cerne et mesure le temps, non sans austérité. Enfin, je décidai de réduire l’instrumentarium aux peaux et métaux à l’exclusion des claviers. Et je soulignerai en outre, le caractère à la fois musical, visuel, théâtral mais aussi festif et didactique d’un évènement émouvant et exceptionnel.
Le Noir de l’étoile, G. Grisey


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In the August Extra 2008 edition of the Jodcast, Dr Stuart Lowe talked to Dr Tim O'Brien (University of Manchester) about the sounds of space. The sounds we played were: The sound of supernova remnant Cassiopeia A recorded by the Lovell Telescope; Whistler waves; Proton Whistlers; Leonid meteor echoes; Jovian Chorus; Jovian S-Burst; Jovian S-Burst speeded up by a factor 128; ESA Huygens lander radar signal; Solar sounds generated from 40 days of Michelson Doppler Imager data and processed by A. Kosovichev; Solar Energetic Particles data from the HELIOS mission; X-ray observations of Cygnus X-1 from the Rossi X-ray Timing Explorer; PSR B0329+54 observations from the Lovell Telescope; Vela pulsar observations; Crab pulsar observations; PSR B1937+21 observations; Pulsars in globular cluster 47 Tuc; Double pulsar eclipse; The first million years of the Universe and the Cosmic Microwave Background. © Jodcast, Jodrell Bank, University of Manchester and various other.

mercredi 5 décembre 2012

Il m’arriva de douter :

Tim Silver - Sans titre - 2011 - : + :
 

C’est ainsi que commença une aventure qui allait durer tant d’hivers. Je ne raconterai pas ses vicissitudes et n’essaierai pas de me rappeler l'ordre logique de ses péripéties. Je fus tour à tour rameur, marchand d’esclaves, bûcheron, détrousseur de caravanes, chanteur, sourcier, prospecteur de minerais. Je fus aux travaux forcés pendant un an dans des mines de mercure, où l’on perd ses dents. Je pris du service avec des hommes venus de Suède dans la garde de Mikligarthr (Constantinople). Au bord de la mer d’Azov, je fus aimé par une femme que je n’oublierai pas ; je la quittai, ou elle me quitta, ce qui revient au même. Je fus trahi et je trahis. Plus d’une fois le destin m’obligea à tuer. Un soldat grec me provoqua en duel et me fit choisir entre deux épées. L’une avait un empan de plus que l’autre. Je compris qu’il cherchait à m’effrayer et je choisis la plus courte. Il me demanda pourquoi. Je lui répondis que de mon poing à son cœur la distance était la même. Sur une rive de la mer Noire se trouve l’épitaphe runique que je gravai pour mon compagnon Leif Arnarson. J’ai combattu avec les Hommes Bleus de Serkland, les Sarrasins. Au cours du temps j’ai été plusieurs personnes, mais ce tourbillon ne fut qu’un long rêve. L’essentiel était la Parole. Il m’arriva de douter d’elle.
UNDR, Le livre de sable, Jorge Luis Borges, 1975, traduit de l'espagnol par Françoise Rosset,
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Tim Silver

lundi 3 décembre 2012

Du bavardage bien rodé :



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- Tu sais, tout est tellement isolé. Chaque chose que je pourrai te dire ne serait qu'un petit morceau du dessin de la tapisserie. Il manque le coagulant, pour lui donner un nom, on en verse une goutte et crac ! tout s'ordonne à sa juste place et il se forme un beau cristal avec toutes ses facettes. L'ennui c'est que çà s'est peut-être déjà coagulé et je ne m'en suis pas rendu compte, je suis resté à la traîne comme ces vieillards qui entendent parlé de cybernétique et secouent lentement la tête en pensant que ce sera bientôt l'heure du potage au vermicelle.
- Enfin dit Traveler. Je pense parfois que tu n'aurais pas dû revenir.
- Toi, tu le penses, dit Oliveira, moi je le vis. C'est peut-être la même chose, au fond, mais gardons-nous de ces faciles défaillances. Ce qui nous tue toi et moi, c'est la pudeur. Nous nous promenons tout nu à travers l’appartement, au grand scandale de certaines dames, mais quand il s'agit de parler... Comprends-moi, j'ai l'impression parfois que je pourrais te dire... Je ne sais pas, peut-être qu'à ce moment-là les paroles serviraient à quelque chose, nous serviraient. Mais comme ce ne sont pas les mots de la vie quotidienne, du bavardage bien rodé, bien huilé, on recule, c'est précisément au meilleur ami que l'on peut le moins dire ces choses. Cela ne t'arrive pas parfois de te confier davantage au premier venu ?
- Peut-être, dit Traveler en accordant sa guitare. L'ennui avec ces beaux principes, c'est qu'on ne voit plus à quoi servent les amis.
- Ils servent à être là et peut-être, un beau matin qui sait ?
- Comme tu voudras. En ce cas, il va nous être difficile de nous entendre comme autrefois.
- C'est au nom de ces autrefois qu'on fait les grandes blagues d'aujourd'hui, dit Oliveira. Tu parles, Manolo, de nous comprendre, mais tu sais bien au fond, que moi aussi je voudrai m'entendre avec toi, et toi veut dire bien plus que toi-même. L'ennui c'est que la véritable compréhension, c'est autre chose. Nous nous contentons de trop peu. Quand les amis s'entendent bien entre eux, quand les amants s'entendent bien entre eux, quand les familles s'entendent bien entre elles, alors nous nous croyons en harmonie. Pur mensonge, miroir aux alouettes. Je sens parfois qu'il y a une plus grande entente entre deux êtres qui se tapent dessus qu'entre les autres qui regardent la chose du dehors. C'est pour cela que... Dis-donc, je pourrais collaborer à la Nation Littéraire, tu ne trouves pas ?
Julio Cortázar, Marelle, 1963,  traduit de l'espagnol par Laure Guille-Bataillon



mardi 27 novembre 2012

Kemialliset ystävät :

 




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You're all welcome to join the band.
We want to make music with every one of you.

The plan is to cover some of the most popular Finnish songs ever.
Let's sing and play together the top 3 of the greatest Finnish
schlager songs
as voted by the listeners of YLE Radio Suomi in 2006!


INSTRUCTIONS
Write to odotanturhaan (at) fonal.com and
we'll let you know how to get these tracks.
Play or sing along to any or all of these songs. You may play through
the whole song or just do parts of it.
Whatever you end up doing, render your tracks starting from the same
spot as the file of the original song. Mute the base track to only
include your sounds.
Send your files (.aiff/.wav) to us: odotanturhaan (at) fonal.com.
If you don't know how to do any of this maybe you have a friend
who can help you to get started.
We will layer all the recordings received from you. It will sound
amazing. Can't wait to hear what you come up with!
Deadline is the April Fool's Day 2011.: + :



Ullakkopalo