Peter Beard - The end of the game : + : |
Tous les systèmes doivent prendre leur assurance contre l’erreur et quel que soit leur contenu de vérité, ils ont tous tort dans l’absolu. Ils ont raison dans le relatif en fonction de leur vérité historique et transitoire et cela implique, pour tout système idéologique, le respect d’une marge qui doit être un lieu d’asile où l’homme pourrait se réfugier à l’abri des joutes sanglantes de la vérité et de l’erreur.
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Je ne propose pas d’absolu. Je propose un « à peu près ». Il est exact que dans cette « religion » du couple, du féminin, du charnel, il y a aux yeux de la plupart des idéologues, une attitude qui paraît une dérobade à deux… Je propose simplement de chercher la civilisation du côté de l’affectivité, plutôt que des grandes destructions au nom des grandes constructions de l’homme toujours futur. L’avenir ne caresse personne. Une civilisation se juge à la place de cet espace blanc où chacun prend son bien selon son cœur.
Romain Gary, L'Affaire Homme,
Ce qui compte, ce n’est pas la part du vrai ou du faux mais la part du moindre malheur. Un jour, lorsque les archéologues extra-terrestres se pencheront sur nos vestiges, ils décideront que nos vrais « grands hommes » ont été ceux qui ont causé le moins de malheurs… J’avais envie de lui crier : laisse-les à leurs « bonds en avant », laisse-les bondir dans cette magnifique certitude : c’est ainsi qu’il sauteront tout droit dans le doute. Les certitudes ont toujours été les plus sûres façons de se tromper. Laisse-les s’épanouir dans leurs certitudes et le doute leur viendra comme un suprême couronnement. Laisse-les s’enivrer de dureté, de force, d’acier : c’est le goût de la fragilité qui les attend au bout.
Romain Gary, Les Clowns lyriques, 1979
Il voulait dire tout cela à Haas, mais ses années de Sahara l'avaient rendu peu loquace, et il avait remarqué également que certaines choses qu'il sentait pourtant profondément changeaient de sens au contact des mots au point que non seulement il n’arrivait pas à les communiquer, mais qu’il ne les reconnaissait plus lui-même en les prononçant. Si bien qu’il se demandait souvent si les pensées suffisaient, si elles n’étaient pas un simple tâtonnement, si la vraie vue n’était pas ailleurs, et s’il n’y avait pas dans le cerveau des hommes des nerfs encore inutilisés qui iraient porter ces mêmes pensées un jour vers des lieux de vision illimités.
Romain Gary, les racines du ciel, 1956
Fictions et humanisme dans l'œuvre de Romain Gary, Troisième partie : Marge humaine et « à peu près » : pour un nouvel humanisme, Nicolas Gelas,
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Peter Beard, Maureen and a Night Feeder at Hog Ranch. Est.- 1987 |