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Mark Tipple - The underwater project - Straight : + : |
Bien. Vous me suivez ?
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Cycle |
Au contraire, je sais nager : ça ne veut
pas dire forcément que j’ai une connaissance mathématique ou physique,
scientifique, du mouvement de la vague ; ça veut dire que j’ai un savoir
faire, un savoir faire étonnant, c’est-à-dire que j’ai une espèce de
sens du rythme, la rythmicité. Qu’est-ce que ça veut dire, le rythme ?
ça veut dire que mes rapports caractéristiques je sais les composer
directement avec les rapports de la vague. ça ne se passe plus entre la
vague et moi, c’est-à-dire que ça ne se passe plus entre les parties
extensives, les parties mouillées de la vague et les parties de mon
corps ; ça se passe entre les rapports. Les rapports qui composent la
vague, les rapports qui composent mon corps et mon habileté lorsque je
sais nager, à présenter mon corps sous des rapports qui se composent
directement avec le rapport de la vague. Je plonge au bon moment, je
ressors au bon moment. J’évite la vague qui approche, ou, au contraire
je m’en sers, etc… Tout cet art de la composition des rapports.
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Initiation |
Je cherche des exemples qui ne sont pas
mathématiques, parce que, encore une fois les mathématiques ce n’est
qu’un secteur de ça. Il faudrait dire que les mathématiques c’est la
théorie formelle du second genre de connaissance. Ce n’est pas le second
genre de connaissance qui est mathématique. C’est la même chose au
niveau des amours. Les vagues ou les amours c’est pareil. Dans un amour
du premier genre, bon, vous êtes perpétuellement dans ce régime des
rencontres entre parties extrinsèques. Dans ce qu’on appelle un grand
amour, La dame aux camélias, qu’est-ce que c’est beau [rires],
là vous avez une composition de rapports. Non, mon exemple est très
mauvais parce que La dame aux camélias, c’est le premier genre de
connaissance [rires], mais dans le second genre de connaissance
vous avez une espèce de composition des rapports les uns avec les
autres. Vous n’êtes plus au régime des idées inadéquates, à savoir :
l’effet d’une partie sur les miennes, l’effet d’une partie extérieure ou
l’effet d’un corps extérieur sur le mien. Là vous atteignez un domaine
beaucoup plus profond qui est la composition des rapports
caractéristiques d’un corps avec les rapports caractéristiques d’un
autre corps. Et cette espèce de souplesse ou de rythme qui fait que
quand vous pressentez votre corps, et dès lors votre âme aussi, vous
présentez votre âme ou votre corps, sous le rapport qui se compose le
plus directement avec le rapport de l’autre. Vous sentez bien que c’est
un étrange bonheur. Voilà, c’est le second genre de connaissance.
Gilles Deleuze, extrait du « cours sur Spinoza », Vincennes, 17/03/81
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Melody |