SUR LE RIVAGE
Sur les rivages de mondes sans fin des enfants s’assemblent. Le ciel infini s’étend immobile sur leur tête, mais les flots toujours mouvants sont houleux. Les enfants s’assemblent sur les rivages de mondes sans fin, avec des cris, avec des danses.
Ils se construisent des maisons de sable, ils jouent avec des coquillages vides. Quelques feuilles flétries sont pour eux des bateaux, qu’avec un sourire ils regardent flotter sur l’immensité profonde. Des enfants s’ébattent sur les rivages de mondes sans fin.
Ils ne savent pas nager, ils ne savent pas jeter des filets. Pour les perles plongent les pêcheurs de nacre, sur leurs vaisseaux naviguent les marchands, tandis que les enfants ramassent des galets et les jettent aussitôt. Ils ne recherchent pas des trésors cachés, ils ne savent pas jeter des filets.
La mer monte avec des éclats de rire et, pâle, chatoie le sourire de la plage. Des vagues meurtrières chantent aux enfants des ballades vides de sens, comme celles qu’une mère chante en berçant son bébé. La mer joue avec les enfants et, pâle, chatoie le sourire de la plage.
Sur les rivages de mondes sans fin des enfants s’assemblent. La tempête rôde dans le ciel sans route, des vaisseaux sombrent dans les eaux sans trace, la mort se promène et les enfants jouent. Sur les rivages de mondes sans fin est le grand rendez-vous de l’enfance.
Rabîndranâth Tagore La Jeune Lune Traduction par Henriette Mirabaud-Thorens. NRF, 1923