Finbarr O'reilly - Gold Mine : + : |
Mon seul recours - je n'avais plus le choix - fut de perdre mon identité. En d'autres termes m'échapper de moi même. Ce faisant, je croyais la fuir elle. Je ne m'éloignai guère, que ce fût de moi ou d'elle. Je prétendis que j'étais parti pour l'Alaska, mais la vérité c'est que je demeurai seulement à quelques pâtés de maisons. Cependant je me comportai comme si j'avais vraiment disparu. L'Alaska s'avéra un puits de mine profond où je m'enterrai. Je restai longtemps en bas, oublieux de choses comme la nourriture, l'air frais, la lumière du soleil, les relations humaines. Dans ces profondeurs, j'entrai en contact avec les esprits chtoniens. J'en vins à comprendre que les problèmes que j'avais situés dans un vague au-delà, tels des zeppelins oniriques, étaient d'une essence souterraine. Des esprits aussi vitaux que Nietzsche, Emerson, Thoreau, Whitman, fabre, Havelock, Ellis, Maeterlinck, Strindberg, Dostoïevski, Gorki, Tolstoï, Verhaeren, Bergson, Herbert Spencer, me tenaient compagnie. Je comprenais leur langage. J'étais de plain-pied avec eux. Il n'y avait aucune raison valide pour que je remonte prendre l'air. J'avais la situation bien en main. Mais, tel un prospecteur solitaire trébuchant sur une mine d'or oubliée, je dus prendre ce que je pouvais à mains nues et remonter à la surface pour trouver de l'aide. Il était impératif d'en convaincre d'autres qu'un tel trésor existait, de les supplier de redescendre avec moi et de se servir tout leur content.
Henry Miller, Le monde du sexe, 1940-1959