mardi 14 janvier 2014

On s'arrange :

Daikichi Amano

 
- Vous savez? dit-il, j’ suis imbattable pour répondre aux questionnaires sur le sexe.
Edna but une gorgée sans répondre.
- Et vous, ça vous intéresse ? demanda Joe.
- Je n'ai  répondu à aucun.
- Dommage. Vous savez, les réponses qu'on fait révèlent votre personnalité.
- Vous croyez vraiment que ces trucs sont valables ? J'en ai vu dans le journal. J'ai jamais répondu aux questions mais j'en ai vu, dit Edna.
- Bien sûr qu'ils sont valables.
- Peut-être que je suis pas très bonne question sexe, dit Edna. C'est peut-être pour ça que je suis seule.
Elle but une grande gorgée.
En fin de compte nous sommes tous seul, dit Joe.
- Que voulez-vous dire ?
- J' veux dire qu'indépendamment du sexe ou de l'amour, un beau jour, c'est fini. Soit on rompt, soit on s'arrange : les deux partenaires cohabitent sans plus rien ressentir. Moi, je préfère vivre seul.
- C'est vous qui avez décidé de divorcer, Joe ?
- Non, c'est ma femme.
- Keski a foirer ?
- Orgies sexuelles.
- Orgies sexuelles ?
- Vous savez, une orgie sexuelle est l'endroit le plus solitaire qu'on puisse imaginer. Ces partouzes - le désespoir me tombait dessus - ces bites entrant et sortant - excusez-moi ...
- Y a pas de mal.
- Ces bites entrant et sortant, ces jambes nouées, ces doigts frénétiques, les bouches, tout le monde peinant et suant, bien décidé à y arriver coûte que coûte.
- Je ne connais pas grand-chose à tout ça, Joe, dit Edna. Je crois que sans amour, le sexe n'est rien. Les choses ne prennent de sens que s'il y a de l'émotion entre les partenaires.
- Vous voulez dire que les gens doivent s'aimer ?
- Ça aide.
- Mais imaginez qu'ils soient lassés l'un de l'autre ? Qu'ils soient obligés de rester ensemble ? Pour l'argent ? Pour les enfants ? Tout ça...
- Les orgies ne mènent à rien.
- Alors que faire ?



Charles Bukowski, Au sud de nulle part, Contes souterrains, Solitude, 1973, traduit de l'anglais par Brice Matthieusent,