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Jean-Jacques Annaud - L'ours - 1988 |
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L'enfance est au bout du chemin. |
(...) attraper de justesse une bouchée dans un cocktail,
pleurer en écoutant Le Voyage d'hiver, aller à la
recherche des sources de la Loire au mont Gerbier
de Jonc, complimenter une inconnue dans la rue, se
tromper de jour, de semaine ou de mois dans un
rendez-vous, se retrouver après vingt ans comme si
on ne s'était jamais quittés, mettre un parfum qui s'oublie, savoir se faire oublier, amuser la galerie, soulever un enfant en protestant de son poids mais éviter
de l'ennuyer par des questions idiotes, se demander
où l’on était avant de naître plutôt que ce que l'on
deviendra après la mort, froisser du papier journal,
découper des images et faire des collages, décoller en
avion ou atterrir, regarder avec convoitise les plats
servis à ses voisins, observer la démarche des passants
et faire de la psychologie sauvage, attendre à la terrasse
d'un café, se dire qu'il faudrait faire de la gymnastique, penser parfois à respirer profondément, mettre
à plat un trombone, monter à la main une mayonnaise ou des œufs en neige, découvrir un fruit exotique délicieux, se remémorer les patois de son
enfance ou des proverbes ou des savoirs, utiliser des mots justes qui surprennent, boire quand on a très
soif, n'avoir jamais honte d'être soi...
Françoise Héritier, le sel de la vie, 2013