lundi 11 juin 2012

Une révélation extraordinaire :

Duilio Barnabé (1914-1961) - Pierrot


C'était une révélation extraordinaire qu'il laissait échapper comme si c'était la chose la plus naturelle du monde à dire. Il avait réprimé son premier mouvement et il était alors devenu conscient su silence qui régnait. Il me signala cela : le silence de la mer, celui du ciel, fondu en une seule vague immensité, figée comme la mort et qui environnait ces vies sauves toutes palpitantes. "On aurait pu entendre tomber une épingle dans ce canot", dit-il en contractant bizarrement les lèvres, comme un homme qui essaye de dominer son émotion tandis qu'il relate un fait extrêmement émouvant. Le silence ! Dieu seul, lui qui l'a fait tel qu'il était, sait ce qu'il en avait pensé dans son cœur. " Je ne croyait pas qu'il pouvait y avoir lieu au monde aussi figé dans le silence, fit-il. On ne pouvait distinguer le ciel de la mer ; on ne voyait rien, on entendait rien. Pas une lueur, pas une forme, pas un bruit.
Joseph Conrad, Lord Jim, traduction Henriette Bordenave.


Duilio Barnabé (1914-1961) - Personnage assis