vendredi 6 juillet 2012

Si nous sommes des créatures organiques :

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Vous étudiez, disons, des rats ; vous les avez entrainer à courir dans un labyrinthe dont la solution ne peut être trouver qu'en manipulant des nombres premiers. Eh bien, ils n'y arrivent pas, ils ne possèdent pas ces concepts. On peut les entraîner à beaucoup de choses, mais pas à donner du sens à des idées mathématiques qu'ils n'ont pas. Et si nous sommes bien des créatures organiques, alors nous sommes exactement dans la même position : nous avons des capacités cognitives, elles possèdent un certain champ d'application, et, presque par nécessité logique, elles ont certaines limites. Nous ne savons pas qu'elles sont ces limites mais elles nous autorisent à penser la science comme le lieu où s'entrecroisent ce qu'est le monde, quel qu'il soit, et nos capacités cognitives. Et puis il n'y a aucune raison de penser qu'ils se recouvrent.
(...)
 Il y a des gens, comme le philosophe Colin McGinn, qui ont essayé de développer la distinction que j'établis entre les problèmes et les mystères -c'est à dire, entre, d'un coté, les questions que nous pouvons au moins nous poser et dont nous pouvons au moins essayer d'imaginer les réponses, et, de l'autre, les mystères, à propos desquels nous ne savons même pas poser les bonnes questions ; nous sommes peut être capables de reconnaître un certain genre de phénomène, mais comprendre ces derniers se révèlent au delà de nos possibilités de saisie cognitive. Si nous sommes des créatures organiques, alors une telle distinction doit exister, elle découle directement de notre être biologique, à l'instar des rats dans le labyrinthe des nombres premiers.
Pouvoir et liberté, Entretien avec Noam Chomsky, La Revue des Livres, ici.