Florian Tiedje - Souche : + : |
- ...Et tu m'aimeras toujours d'une passion absolue, plus que tout, et tu serais capable de faire n'importe quoi pour moi ?A cette sortie, Côme répondit épouvanté :- Oui.- Tu n'as vécu sur les arbres que pour moi, que pour m'aimer...- Oui, oui.- Embrasse-moi.Il la pressa contre le tronc et l'embrassa. En relevant la tête, il la regarda et sa beauté le frappa comme une révélation.- Dis... mais que tu es belle !- Pour toi.Elle déboutonna sa blouse blanche. Elle avait une poitrine toute jeune, avec deux petites roses. C'est à peine si Côme l'effleura ; elle s'esquiva dans les branches, où Côme grimpa derrière elle, sa jupe dans les yeux.- Mais où m'emmènes-tu ? demandait Violette, comme si lui la conduisait.- Par ici.Et il la guida ; chaque fois qu'ol fallait passer d'une branche sur une autre, il la prenait par la main ou par la taille et lui montrait où poser les pieds.- Par ici.Ils marchaient dans les oliviers dressés au-dessus d'un talus escarpé; on apercevait entre les branches, tout découpé de feuillages, les éclats bleus de la mer; d'un coup, elle se découvrit : calme, limpide, vaste comme le ciel. L'horizon s'ouvrait largement, l'azur de l'eau était lisse, intact, sans une voile, à peine plissé par les vagues. Un reflux imperceptible, une sorte de soupir, effleurait les cailloux du rivage.Les yeux à demi éblouis, Côme et Violette redescendirent dans l'ombre verte des feuillages.- Par ici.Il y avait, dans la fourche d'un noyer, une excavation en cuvette, blessure jadis faite à la hache : c'était un des refuges de Côme. Une peau de sanglier y était étendue; une fiasque, une écuelle, quelques outils jonchaient cet espace réduit.Violette s'étendit sur la peau :- Tu as amené ici d'autres femme ?Il hésita avant de répondre. Alors Violette :- Si tu n'en as jamais amené, c'est que tu ne vaux pas grand-chose.- Si... quelques-une.il reçut une gifle en pleine figure.- C'est comme ça que tu m'attendais ?Côme passait sa main sur sa joue toute rouge et ne savait que répondre; mais elle semblait revenue à de meilleures dispositions :- Comment étaient-elles ? Dis-moi ?- Pas comme toi, Violette, pas comme toi.- Est-ce que tu sais comme je suis ? Hein ? Qu'est-ce que tu en sais ?Elle devenait douce. Côme ne finissait pas de s'étonner devant ces brusques sautes d'humeur. Il s'approcha d'elle. Violette était toute or et miel.- Dis...- Dis...Il se connurent. Il la connut et se connut lui-même parce que, réellement, il n'avait jusque-là rien su de lui. Elle le connut et se connut elle même parce que, en sachant tout ce qu'elle était, elle ne l'avait jusque-là jamais si bien senti.
Italo Calvino, Le baron perché, 1957