dimanche 23 septembre 2012

L’âme enterrée :

Charles Fréger - wilder mann - +


Celui qui n’a jamais voulu se châtrer n’est qu’un chien Moi je dis le mot désespoir J’écris le mot désespoir avec le pâle sourire de celui qui sait Qui est déjà mort Qui vit à côté de lui-même attentif à la vie quotidienne l’âme enterrée déjà Je ne termine plus mes phrases Bientôt plus aucun son ne sortira de ma bouche J’attendrai comme celui assis sur sa valise dans une gare Sans billet Sans raison de partir Sans envie et bientôt curieusement sans douleur comme sous la torture Je n’ai rien dit N’ai rien avoué moi qui pourtant sais tout Maintenant n’écoute que mon sang familier Observe des heures la pulsation régulière à mon poignet Poi-gnet Poi-gnet Poi-gnet Serait-ce cela la mort Ce détachement de soi Cette absence en soi-même Ce calme plat de la non espérance Du non désir aussi avec mon sexe ridicule porté comme une blessure à peine secrète Est-il l’heure Est-il déjà l’heure Les murs m’observent M’entourent Se referment sur moi qui n’aurai bientôt plus de peau Plus de larmes Moi qui ai tant pleuré sur moi Hier encore lorsque je vivais Mais est-ce bien cela vivre cette perpétuelle déchirure il devait bien y avoir autre chose

Que je n’ai pas su voir —

Franck Venaille, Pourquoi tu pleures, dis ? Pourquoi tu pleures ? Parce que le ciel est bleu Parce que le ciel est bleu…, éd. Pierre-Jean Oswald, 1972