mardi 28 août 2012

Les tonalités interdites :

Dieu ne nous envoie pas le désespoir pour nous tuer mais pour nous éveiller à une vie nouvelle
„Die Verzweiflung schickt uns Gott nicht, um uns zu töten, er schickt sie uns, um neues Leben in uns zu erwecken.“




Dans la Chine légendaire des “anciens rois", ne l’oublions pas, on reconnaissait à la musique un rôle déterminant dans la vie de l’Etat et de la cour. On identifiait presque la grandeur de la musique avec celle de la culture et de la morale, voire de l’Empire, et les maîtres de musique devaient veiller strictement à ce qu’elle conserve les “anciennes tonalités” et à ce que l’on respectât leur pureté. La musique connaissait-elle un déclin ? C'était un indice certain que le gouvernement et l'Etat étaient sur une mauvaise pente. Et les poètes racontaient des contes terrifiants sur les tonalités interdites, diaboliques et dérobées au ciel, par exemple sur la tonalité Tsing-Chang et Tsing-Tsé, la “musique de la décadence” ; à peine avait-on entonné ces accents au château royal, que le ciel devenait noir, que les murailles tremblaient et s’effondraient, que le trône et l’Empire croulaient.
Hermann Hesse, Le jeu des perles de verre, publié en 1943.