A Saint Denis en 1980, Deleuze revient sur son approche (avec Guattari
et dans un collectif étudiant) du "cas Schreber": (...) " Je prends un
exemple : qu’est-ce que c’est que Schreber, le Président Schreber, le
fameux Président Schreber ? Alors on l’avait étudié de très très près,
ça nous avait tenus très longtemps. Si vous prenez ce délire, c’est
quoi, vous voyez quoi ? C’est tout simple, vous voyez : un type qui ne
cesse de, de délirer quoi ? L’Alsace et la Lorraine. Il est une jeune
Alsacienne - Schreber est allemand - il est une jeune alsacienne qui
défend l’Alsace et la Lorraine contre l’Armée française. Il y a tout un
délire des races. Le racisme du Président Schreber est effréné, son
antisémitisme est effréné, c’est terrible. Toutes sortes d’autres choses
en ce sens. C’est vrai que Schreber a un père. Ce père qu’est-ce qu’il
fait le père ? C’est pas rien. Le père, c’est un homme très très connu
en Allemagne. Et c’est un homme très connu pour avoir inventé de
véritables petites machines à torture, des machines sadiques, qui
étaient très à la mode au XIXe siècle,
et qui ont pour origine Schreber. Ensuite beaucoup de gens avaient
imité Schreber. C’était des machines de torture pour enfant, pour le bon
maintien pour enfant. Dans les revues encore de la fin du XIXe siècle,
vous trouvez des réclames de ces machines. Il y a par exemple, je cite
la plus innocente, par exemple des machines anti-masturbatoire, les
enfants couchent avec les mains liées, tout ça. Et c’est des machines
assez terrifiantes, parce que la plus pure, la plus discrète, c’est une
machine avec une plaque de métal dans le dos, un soutien-machoire là, en
métal, pour que l’enfant se tienne bien à table. Ça avait beaucoup de
succès ces machines. Alors bon, le père, il est inventeur de ces
machines. Quand il délire le Président Schreber, il délire aussi tout un
système d’éducation. Il y a le thème de l’Alsace et la Lorraine, il y a
le thème : l’antisémitisme et le racisme, il y a le thème, l’éducation
des enfants. Il y a enfin le rapport avec le soleil, les rayons du
soleil. Je dis, mais voilà, il délire le soleil, il délire l’Alsace et
la Lorraine, il délire la langue primitive du dieu primitif, il
s’invente une langue de, qui renvoie à des formes de bas allemand, bon.
Il délire le dieu-soleil, etc. Vous prenez le texte de Freud à côté,
qu’est-ce que vous voyez ? Bien, il se trouve précisément que Schreber,
il a écrit son délire, alors c’est un bon cas. Vous prenez le texte de
Freud à côté, je vous assure, enfin si vous avez souvenir de ce texte - à
aucune page il n’est question de rien de tout ça. Il est question du
père de Schreber en tant que père, et uniquement, tout le temps, tout le
temps. Le père de Schreber, et le soleil c’est le père, et le dieu
c’est le père, etc., etc. (...) "
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Leonard de Vinci |