Herbert Matter - Mercedes nude in net - 1940 |
La came est une équation cellulaire qui enseigne à l’utilisateur des faits d’une valeur générale. J’ai énormément appris en utilisant la came : j’ai vu la vie mesurée dans des gouttes de solution de morphine. J’ai vécu la privation atroce du sevrage et le plaisir du soulagement lorsque les cellules assoiffées de came boivent à la seringue. Tout plaisir n’est peut-être que dans le soulagement. J’ai appris le stoïcisme cellulaire que la came enseigne à l’utilisateur. J’ai vu une cellule de prison pleine de camés malades, silencieux et immobiles dans leur misère individuelle. Ils savaient la vanité de se plaindre ou de bouger. Ils savaient que, fondamentalement, personne ne peut aider personne. Personne ne possède de clé, de secret qu’il pourrait vous révéler. J’ai appris l’équation de la came.
(...)Laisser tomber la came, c’est changer totalement de mode de vie. J’ai vu des camés se désintoxiquer, se mettre à boire comme des trous, et finalement crever en peu d’années. Le suicide est également très fréquent chez les ex-camés. Pour quelle raison un camé s’arrête-t-il volontairement ? Personne ne connaît la réponse. Aucune analyse objective des horreurs et des désavantages de la came ne peut donner l’impulsion initiale pour s’arrêter. La décision d’arrêter la came est une décision cellulaire et quand on a résolu de s’arrêter, il est impossible de s’y remettre de façon permanente ensuite, de même qu’auparavant il était impossible de s’en passer. Comme pour celui qui est de retour d’un long voyage, tout paraît différent quand on revient de la came.
William Burroughs, Junky, 1953
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